RÉCITS FANTASTIQUES GRATUITS

PAGE 17 (FIN)

18 h 38.

Trois longues semaines qu’à partir des notes compilées dans mon journal de bord, j'écris ce récit d'arrache-pied. Avec le « chapitre » précédent, j'espérais pourtant y avoir mis un terme, mais quelque chose me pousse à continuer de vous parler. Difficile, au moment où j'écris ces lignes, de me décider sur une conclusion satisfaisante. En attendant l'inspiration, je crois que je vais mettre de la musique, m'allonger sur mon lit et faire un peu le vide dans ma tête. On verra bien où cela mènera…

18 h 53.

Un truc important vient de me traverser l'esprit, alors je reprends le stylo. Je pensais à ce que ma réalité, notre réalité (celle du schéma B) signifiait véritablement. La réponse est assez simple. Elle signifie que contrairement au passé, le futur n'est jamais écrit. Il n'y a pas de destin tout tracé, pas d'excuse possible. On peut toujours changer le cours des choses. De A à Z, nous sommes tous responsables de nos actes.

18 h 57.

Tous responsables de nos actes… Voilà qui donne à réfléchir. Va p'têt falloir que j'arrête de piquer des caramels mous, moi.

19 h 19.

Faire le vide dans ma tête ? Tu parles, Charles ! Je n'arrête pas de bondir d'une idée vers l'autre. Je vais l'arrêter, cette foutue musique. De toute façon, je ne l'écoute pas. Impossible de me détendre. Je suis tout juste bon à faire les cent pas dans ma chambre…

19 h 25.

Ce qui me préoccupe le plus, c'est ce que je dois faire avec Baptiste. Non seulement son double du futur m'a permis de revenir dans le présent, mais en plus – j'ai failli oublier d'en parler – il a sacrifié pour moi son vaisseau temporel.

Vous ne comprenez pas ce que je veux dire ? Alors écoutez : le vaisseau temporel s'est matérialisé pour me déposer dans mon nouveau présent, on est d'accord. Mais après sa dématérialisation, vers quel futur croyez-vous qu'il se dirige en ce moment ? À la vitesse étourdissante d'une minute par minute, il se dirige droit vers le futur de ma nouvelle ligne temporelle, et non vers le 2046 que j'ai quitté.

Le double de Baptiste n'avait jamais testé son vaisseau ; en tout cas, pas pour voyager dans le passé. Il savait que l'essayer, c'était le perdre définitivement. Il l'avait préservé, je suis prêt à le parier, pour me renvoyer, moi. Comment va-t-il pouvoir justifier sa disparition ? Quelque part en 2046, dans un autre univers, le frérot doit être actuellement dans un sale pétrin…

Je crois que je vais faire ce soir ce que j'aurais dû faire depuis des jours. J'en suis sûr, même. Ce soir, malgré les mises en garde de mon « double », je vais tout raconter à son jeune lui-même, je vais tout raconter à Baptiste. Après ce qu'il a fait pour moi dans le futur (ça me fait drôle d'écrire cela au passé), il le mérite largement.

19 h 36.

Oui, ce soir, c'est le grand déballage.

Comment va-t-il réagir le frérot ? D'abord, j'imagine qu'il ne va rien comprendre. Ensuite, quand il aura compris, il me traitera d'illuminé ou de fieffé menteur, ça ne fait aucun doute. Enfin, il réfléchira et finira par m'écouter.

C'est à ce moment-là, et à ce moment-là seulement, que je pourrai me jeter dans ses bras.

Et ensemble, nous ferons de grandes choses.

Ce vaisseau temporel – cet engin à créer de nouveaux univers, je devrais dire plutôt – je compte l'inventer effectivement, mais Baptiste sera de la partie.

Quelle allure aura-t-il, ce vaisseau, et qu'en ferons-nous, une fois construit ? Pour l'instant, aucune idée. On verra bien…

Ce que je sais par contre, c'est que nous nous passerons de l'aide du carnet. Les instructions ? Nous les réécrirons entièrement. Si le double âgé de Baptiste a pu les écrire tout seul dans le futur – car c'est désormais évident que c'est lui qui les a écrites – alors à nous deux, il faudrait vraiment être crétin pour ne pas renouveler l'exploit…

19 h 55.

Je viens de les feuilleter pour la centième fois, ces fameuses instructions. La plupart des formules me sont totalement incompréhensibles. Pourtant, je sais qu'elles représentent l'invention la plus importante de toute l'histoire de l'humanité. Je ne sais pas encore comment les détruire. Y mettre le feu, peut-être. Je verrai cela avec le frérot.

Avec lui aussi, je verrai ce que l'on doit faire de mon autre moi-même, quand l'ascenseur s'ouvrira, aux portes de l'an 2046 de notre réalité.

20 h 18.

Baptiste n'est toujours pas rentré. Son club d'échecs est pourtant terminé depuis belle lurette. Qu'est-ce qu'il fiche, bon sang ?

20 h 25.

En attendant, j'en profite pour écrire un dernier truc.

Je sais que mon choix n'est pas sans risque.

Peut-être que je me plante depuis le départ. Peut-être qu'il n'y a en fin de compte qu'une ligne temporelle (le fameux schéma A) et que mon soi-disant double avait les meilleures raisons du monde de tenter de m'en persuader. Dans ce cas, ma décision de contrecarrer ses plans – en révélant tout au Baptiste de maintenant, mieux encore, en l'associant à l'invention de la machine – aura forcément des conséquences.

On peut imaginer – première hypothèse – que cette dite décision va être tellement radicale que la réalité s'en trouvera complètement déchirée. Ce sera la fameuse destruction complète du continuum espace-temps (ou un truc de ce genre) que j'ai déjà mentionnée. L'univers tel que vous et moi le connaissons s'anéantira alors dans un grand feu d'artifice.

Mais franchement, je ne crois pas une seconde à cette éventualité.

D'ailleurs, si tel devait être le cas, la catastrophe aurait certainement déjà eu lieu, et vous ne seriez pas là en train de lire ces lignes, vrai ?

Je viens d'entendre une porte claquer, je pense que c'est Baptiste. Il faut que j'aille voir.

20 h 31.

Fausse alerte, c'était juste la fenêtre de la cuisine.

Sans aller jusque-là, on peut aussi imaginer – seconde hypothèse – que s'il n'y a qu'une seule ligne temporelle, cette même décision obligera simplement la réalité à se réajuster et faire jouer cette épaisseur si chère à mon « double ». Dans ce cas, vous serez aux premières loges pour vous en apercevoir. Quand vous lirez ce texte, j'aurai lâché le morceau depuis un petit bout de temps déjà, et tout autour de vous, dans cette dernière période, vous aurez dû constater – et moi aussi d'ailleurs – des changements bizarres : quelqu'un qui disparaît subitement de la circulation par exemple, ou une boutique qui apparaît dans une rue alors que personne ne l'avait jamais remarquée.

À moins, bien sûr, que lesdits changements n'affectent aussi notre mémoire, remplaçant d'un claquement de doigts les anciens souvenirs par des tout neufs…

Mais tout cela ne nous concerne pas, car je suis sûr que le bon schéma, c'est le schéma B.

Presque sûr, en tout cas.

Et Baptiste, mon cher Baptiste, qui continue de se faire attendre…

20 h 44.

Ça y est ! Je viens d'entendre sa voix. Je file le rejoindre. Je vais tout lui dire. Souhaitez-moi bonne chance pour l'avenir. Souhaitons-nous bonne chance.

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(C) 2015-16 Jérémie Cassiopée

Illustration: Marzena Pereida Piwowar

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